En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies pour réaliser des statistiques de visites.

LES VICTIMES DE LA DEPORTATION

Employé depuis le 19e siècle pour définir une condamnation à l’exil ou l’internement à l’étranger (bagne), le terme déportation fut utilisé durant la Grande Guerre pour tout déplacement forcé de civils, que ce soit dans une commune voisine ou dans un camp de prisonnier en Allemagne. Lorsque ce déplacement concerne un ou plusieurs individus, il est souvent motivé par une volonté d’impressionner la population ou de sanctionner un comportement suspect. Lorsqu’il concerne un groupe, il répond à une intention d’écarter du théâtre des opérations  les hommes en âge de combattre, ou de répondre à un déficit de main d’œuvre masculine nécessaire au soutien de l’économie de guerre allemande. De très nombreux habitants de l’Oise occupée furent victimes de ces déportations.

Les déportés de la première heure

Lors de la ruée allemande de 1914, plusieurs civils de l’Oise furent arrêtés lors du passage des troupes. Certains furent enlevés et déportés vers l’arrière pour instiller la terreur dans la population ou en représailles à des coups de feu tirés sur la troupe.


Les hommes valides considérés comme une menace

Au lendemain de la bataille de la Marne, la fixation progressive du front imposa à l’armée allemande d’administrer un territoire étranger et ses habitants. Aussi, tous les hommes valides de chaque commune occupée furent rassemblés pour être conduits à Noyon. Tandis que les mobilisables étaient déportés dans des camps de prisonniers et de travail en Allemagne, les autres hommes étaient répartis dans les villages de l’arrière, dans l’Aisne, les Ardennes voire la Belgique.

A Noyon-même, le 20 septembre 1914, un avis du commandant de place lu par le crieur public convoqua tous les hommes nés entre 1867 et 1897 sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Sur les 350 hommes considérés comme prisonniers de guerre, seuls 143 furent envoyés en Allemagne grâce à l’intervention du maire Ernest Noël qui sauva de l’exil les infirmes et les ouvriers qualifiés indispensables à la vie publique. Les rescapés de cette « prise d’otages » furent cependant déportés quelques semaines plus tard.

Panneau du monument aux morts de Noyon sculpté par Emile Pinchon représentant la « prise d’otages » du 20 septembre 1914 (cl. JYB)

Les évacués du front

La population des communes proches du front fut progressivement évacuée en commençant par les villages et hameaux situés sur la ligne de feu tels Tracy-le-Val le 21 septembre 1914, Bailly le 23 septembre 1914, Carlepont le 8 octobre 1914 et le 8 janvier 1915, Nampcel du 11 octobre au 20 novembre 1914, Lassigny le 9 novembre 1914, Ourscamp le 8 avril 1915... La plupart des habitants furent dirigés vers Noyon où ils furent autorisés à être logés dans leur famille, sinon dans des locaux vides comme le collège, mais aussi dans les villages proches comme Salency ou Crisolles où furent établis des baraquements. D’autres furent emmenés dans le nord du département de l’Aisne et employés comme travailleurs civils.



Les notables pris en otage

Quelques mois après l’invasion, plusieurs notables furent arrêtés à leur tour, d’une part pour mieux contrôler la population en écartant les individus les plus influents (les maires, prêtres, instituteurs, pharmaciens, notaires, châtelains…) et, d’autre part, pour exercer une pression sur le gouvernement français et faciliter les négociations en vue d’échanges de prisonniers. Si la plupart d’entre eux furent assignés à résidence chez un habitant désigné par l’autorité militaire et devinrent des « prisonniers sur parole », d’autres furent déportés en Allemagne. Le sénateur-maire de Noyon, Ernest Noël, fut ainsi arrêté le 12  février 1915, déporté le 6 mars suivant à Hirson (Aisne), à Rastadt puis à Celle en Allemagne avant d’être échangé le 16 janvier 1916 avec d’autres otages de marque contre des officiers allemands. Le maire de Morlincourt, Gaston de Roucy, n’eut pas cette chance. Arrêté en décembre 1914, il fut déporté au camp de Wetzlar (Allemagne) où il décéda le 1er mars 1915.

 
Gaston de Roucy, maire de Morlincourt, mort en déportation en Allemagne.






Les déplacés en masse de l’opération Alberich

A la suite des batailles de 1916 (Verdun, la Somme), Hindenburg et Ludendorff planifièrent pour mars 1917 un repli stratégique des troupes allemandes sur une ligne fortifiée construite entre Arras et Soissons. L’opération Alberich prévoyait la destruction de toute la zone libérée de l’Oise et le transfert massif de civils, les personnes valides vers l’Avesnois, les femmes, les enfants et les invalides vers Noyon où ils devaient être regroupés. Ces mouvements de population durant l’hiver 1916-1917 furent à l’origine de nombreux décès de civils durant leur déplacement (à pied, en camions ou en trains) et dans les communes de regroupement où la misère régnait.

Devenus une charge pour l’Allemagne, bon nombre de prisonniers civils déplacés dans l’Aisne ou le Nord purent revenir en France par train via la Suisse. Transitant dans ce pays neutre au moyen de tramways, ces rapatriés furent accueillis par des comités de secours après avoir été interrogés dans le bureau de contrôle d'abord installé à Annemasse puis, à partir de 1917, à Evian. Ils furent ensuite placés dans des communes d’accueil françaises. Les civils invalides regroupés à Noyon, quant à eux, furent libérés le 18 mars 1917 par les troupes françaises qui s’empressèrent de les évacuer vers l’arrière notamment vers les hôpitaux. Beaucoup d’entre eux décédèrent faute de structures d’accueil adaptées à ce flot soudain de rapatriés.

 

Plaque émaillée avec en médaillon Georges Bourlet, de Chiry-Ourscamp, mort de privations en captivité à Bohain (Aisne) le 22 avril 1917, à 19 ans (cl. JYB).

Le nombre de victimes de la déportation en Allemagne originaires de l’Oise est sous-évalué en raison du peu de retranscription d’actes de décès sur les registres d’entre-deux-guerres. Pour autant, les actes retranscrits après guerre sont précis et permettent de connaître la date et le lieu de décès de l’individu ainsi que le motif. Les retranscriptions sur le registre de Babœuf indiquent ainsi ne nombreux décès dans les camps de Niederzwehren et de Holzminden.